Innover seul, c’est dépassé : l’avenir appartient aux collaborations intergénérationnelles

L’innovation se nourrit du dialogue entre générations. Elle naît du renouvellement des idées, de la remise en question des pratiques établies et du regard neuf que peuvent apporter ceux qui découvrent un secteur. Croiser les expertises et les générations, c’est ouvrir la porte à des perspectives plus agiles, mieux adaptées aux transformations en cours.

D’autant que cette dynamique est amenée à s’intensifier. D’ici 2070, sous l’effet de la réforme des retraites, le taux d’activité des 55-69 ans devrait progresser de 4,5 points. Les entreprises vont donc devoir repenser leurs modes de collaboration intergénérationnelle. Une nécessité qui, bien menée, peut se transformer en opportunité. 43 % des décideurs affirment que les équipes multigénérationnelles obtiennent de meilleurs résultats.

Certaines organisations ont déjà saisi cette chance. Programmes d’open-innovation, hackathons intergénérationnels, mentorat inversé : autant d’initiatives qui renouvellent les façons de travailler et de créer.

Comment ces collaborations transforment-elles l’innovation en entreprise ? Quels leviers permettent de les rendre réellement productives ? Décryptage des nouvelles alliances générationnelles qui façonnent l’avenir du travail.

Entreprises et étudiants : une alliance stratégique pour innover

L’innovation repose autant sur l’expérience que sur la capacité à challenger l’existant. Si les professionnels expérimentés maîtrisent les rouages du marché et savent transformer une idée en projet viable, ils peuvent aussi, parfois, être enfermés dans des habitudes qui freinent l’émergence de nouvelles approches. Avec le temps, ce qui a fonctionné devient un réflexe, et il devient plus difficile de prendre du recul pour explorer d’autres pistes.

À l’inverse, les jeunes générations arrivent sans ces automatismes. Leur force ? Poser des questions que personne ne se pose plus, remettre en question les évidences et introduire des pratiques venues d’autres secteurs. C’est cette confrontation des points de vue qui permet aux entreprises de renouveler leur regard et d’explorer des pistes inédites.

Suzy De Oliveira, Directrice Commerciale chez Atlanthal, a expérimenté cette dynamique en intégrant le programme Pionniers du Connecteur, qui réunit entreprises et étudiants autour de problématiques d’innovation : « Ce qui est intéressant avec les étudiants, c’est leur capacité à poser des questions précises et pertinentes, à voir des choses que nous ne voyons plus. Chacun apporte un regard différent en fonction de son domaine, ce qui permet de croiser les approches et de faire émerger des idées nouvelles. »

Les étudiants sont souvent les premiers à identifier les tendances émergentes et à capter les nouveaux usages digitaux. Ce regard extérieur leur permet de détecter des opportunités que les entreprises perçoivent moins clairement.

C’est ce qu’a constaté Louka Lemarchand, étudiant ingénieur à l’ESTIA, lors de son immersion chez Atlanthal : « Ce qui m’a frappé, c’est le manque de digitalisation. Ça m’a tout de suite sauté aux yeux alors que, pour eux, c’était un fonctionnement normal. »

Au-delà de l’innovation : ce que les entreprises et les étudiants ont à apprendre les uns des autres

Si l’innovation est souvent le premier argument mis en avant dans ces collaborations, leur impact va bien au-delà. Travailler ensemble, c’est aussi une occasion unique de s’ouvrir à de nouvelles manières de penser, de structurer ses idées et d’aborder le travail différemment. Une immersion qui pousse autant les étudiants que les entreprises à revoir leurs habitudes.

Pour les jeunes : un laboratoire grandeur nature

Passer des études au monde professionnel est souvent un saut dans l’inconnu. Travailler aux côtés de professionnels expérimentés, c’est apprendre à sortir du cadre académique, à confronter ses idées aux contraintes du marché et à comprendre les attentes des clients.

« Jusqu’ici, je voyais les problématiques sous un prisme purement technique. Là, je découvre les enjeux commerciaux et marketing. On apprend à analyser un problème sous plusieurs angles et à ne pas se limiter à notre domaine. » – note Louka.

Mais au-delà des compétences métiers, ces collaborations permettent aux étudiants de développer des savoir-faire transversaux, indispensables dans n’importe quel secteur. Gestion de projet, analyse des besoins clients, travail en équipe, communication – ou encore, comme Louka, prise de parole en public.  
« Nous allons devoir présenter nos recommandations devant l’entreprise, ce qui demande un vrai travail sur le pitch et la mise en forme. Heureusement, on est accompagnés pour ça : on a des formations spécifiques sur la prise de parole et même des cours de théâtre pour apprendre à capter l’attention et mieux structurer nos interventions. En tant qu’ingénieur, on est voué à gérer des projets et à s’exprimer en public, donc c’est une compétence essentielle à acquérir. »

Pour les entreprises : une cure de jouvence

Si les étudiants apprennent énormément de ces échanges, les entreprises en tirent tout autant de bénéfices. Intégrer de jeunes talents dans leur réflexion leur permet de prendre du recul sur leurs pratiques, de bousculer leurs habitudes et de s’ouvrir à des approches plus agiles.

Chez Atlanthal, Suzy De Oliveira a rapidement constaté l’impact d’un regard extérieur sur leur manière de travailler : « Cette collaboration nous aide à remettre en question nos offres et à repenser la manière dont nous les commercialisons. Les étudiants nous apportent une vision neuve sur ce qui fonctionne (ou non) et sur les attentes des nouvelles générations. »

Les entreprises peuvent tirer plusieurs bénéfices concrets de ces collaborations :

  • Un accès aux tendances émergentes : les jeunes générations sont en phase avec les nouveaux usages, notamment en matière de digitalisation et d’expérience client.
  • Une remise en question constructive : leur regard extérieur permet d’identifier des angles morts et de challenger les process existants.
  • Une opportunité de détecter des talents : ces collaborations sont souvent l’occasion d’identifier des profils prometteurs à recruter.

De la théorie au terrain : ces initiatives où les générations innovent ensemble

Ces dernières années, de nouveaux formats de collaboration ont émergé, ouvrant un espace d’échange entre étudiants et entreprises. L’objectif ? Confronter les approches, décloisonner les pratiques et faire émerger des idées nouvelles.

Les programmes d’open-innovation entre étudiants et entreprises

Ils consistent à intégrer des étudiants dans des projets d’entreprises afin d’apporter un regard neuf sur leurs produits, leurs services ou leurs modèles économiques. En retour, les étudiants bénéficient d’une immersion concrète dans le monde du travail, où ils peuvent tester leurs compétences sur des problématiques réelles.

Ces collaborations prennent diverses formes :

  • Des laboratoires d’innovation intergénérationnels, où entreprises et étudiants co-développent des solutions.
  • Des workshops immersifs, où les jeunes challengent des stratégies existantes.
  • Des partenariats académiques, où des écoles et des entreprises travaillent main dans la main sur des sujets de recherche appliquée.

Dans ces dispositifs, l’objectif est clair : croiser les expertises pour faire émerger des idées nouvelles et créer des ponts entre la formation et l’entreprise.

Le programme Pionniers, porté par Le Connecteur, est l’un de ces terrains d’expérimentation. Son objectif ? Créer une synergie entre jeunes talents et professionnels pour faire émerger des idées nouvelles. 

Chez Atlanthal, cette démarche a tout de suite séduit. « Nous voulions avoir un regard neuf sur notre activité, une vision objective sur ce que nous proposons aujourd’hui et ce que nous pourrions améliorer. », explique Suzy De Oliveira, attachée commerciale chez Atlanthal.

Le programme réunit des étudiants issus de différentes disciplines – ingénierie, commerce, design – et les plonge dans le quotidien d’une entreprise. Cette approche décloisonnée permet de confronter des visions complémentaires, comme l’a remarqué Louka Lemarchand, étudiant à l’ESTIA : « Nous avons une problématique orientée business, ce qui n’est pas forcément mon domaine, mais justement, c’est là tout l’intérêt du projet. Avec mes coéquipiers, qui viennent du design et du commerce, on croise nos expertises pour explorer des pistes plus larges. »

Dès les premières rencontres, les étudiants ont observé le fonctionnement de l’entreprise, questionné ses pratiques et commencé à identifier des axes d’amélioration. Leur mission : imaginer de nouvelles offres et repenser l’expérience client pour fidéliser la clientèle de demain.

Les hackathons intergénérationnels : accélérer l’innovation en un temps record

Autre format de collaboration, autre dynamique. Les hackathons sont devenus une référence pour faire émerger des solutions en un temps record. Ces marathons de réflexion réunissent étudiants et professionnels autour d’un défi commun à résoudre en 48 heures.

De grandes entreprises comme L’Oréal, Orange ou Airbus organisent régulièrement ces événements en intégrant des étudiants aux côtés de leurs équipes internes. Pourquoi ? Parce qu’en un temps limité, ces sessions permettent de mixer l’audace des jeunes générations et l’expertise terrain des professionnels.

Ces formats sont particulièrement efficaces pour briser les silos entre générations :

  • Les étudiants apportent un regard neuf et une rapidité d’exécution, souvent boostée par une forte maîtrise des outils numériques.
  • Les professionnels, eux, fournissent le cadre stratégique et l’expertise marché.

Le résultat ? Des prototypes concrets voient le jour en un temps record. Certaines entreprises vont même plus loin en intégrant ces idées dans leurs projets internes.

Le mentorat inversé : et si les jeunes formaient les experts ?

Voici une autre initiative qui bouscule les codes : ce sont les jeunes générations qui forment les plus expérimentés sur des sujets comme les nouvelles technologies, les réseaux sociaux ou encore l’évolution des usages consommateurs.

Cette pratique, qui a d’abord émergé dans les grands groupes (BNP Paribas, Danone, AXA), s’étend aujourd’hui aux PME et entreprises innovantes qui souhaitent mettre à jour leurs pratiques et intégrer les tendances numériques.
En misant sur ces nouvelles formes de collaboration, les entreprises ne se contentent pas d’attirer de jeunes talents : elles se donnent les moyens de rester à la pointe de l’innovation, en s’appuyant sur une intelligence collective et intergénérationnelle.

Réussir une collaboration intergénérationnelle

Si le dialogue entre générations est une formidable opportunité d’innovation, il repose sur un équilibre parfois difficile à trouver. Pour que cette dynamique porte ses fruits, quelques écueils doivent être évités et certaines bonnes pratiques mises en place.

Lever les freins à une collaboration efficace

L’un des premiers obstacles à une collaboration efficace réside dans les clichés générationnels. Les jeunes seraient « trop idéalistes », « accros aux écrans » et « peu endurants ». Les plus expérimentés, « rigides », « réfractaires au changement » et « peu enclins à se remettre en question». Ces caricatures freinent l’innovation et limitent les opportunités d’apprentissage mutuel. Or, l’expérience montre que les nouvelles générations ne rejettent pas le cadre de l’entreprise par principe. Elles sont en quête de sens, d’impact et de méthodes de travail plus agiles. De leur côté, les professionnels, loin d’être réfractaires à la nouveauté, cherchent à intégrer les évolutions technologiques et sociétales sans perdre de vue la viabilité économique. Loin d’être antagonistes, ces approches peuvent être complémentaires à condition de créer un cadre d’échange structuré et ouvert.

Autre écueil : un manque de cadre et de suivi. Si les rôles et les attentes ne sont pas clairement définis dès le départ, la collaboration peut rapidement perdre en efficacité. Les étudiants risquent de proposer des idées éloignées des réalités du marché, tandis que les professionnels peuvent ne pas voir comment intégrer ces contributions dans leur stratégie. Un cadrage précis, avec des échanges réguliers, est indispensable pour garantir des apports concrets de part et d’autre.

Enfin, l’absence d’application des recommandations peut être un facteur de démotivation. Trop souvent, ces collaborations débouchent sur des propositions intéressantes, mais qui ne sont jamais testées en conditions réelles. Pour éviter que ces projets restent à l’état de concepts, les entreprises doivent intégrer les idées dans une logique d’expérimentation et impliquer les étudiants dans l’évaluation des résultats.

Cinq bonnes pratiques pour une collaboration intergénérationnelle réussie

  1. Fixer un cadre et des objectifs clairs

Une collaboration efficace repose sur des attentes bien définies. Quels sont les enjeux ? Quel est le rôle des étudiants ? Jusqu’où peuvent-ils aller dans leurs propositions ? En posant ces bases dès le départ, les échanges gagnent en fluidité et en efficacité.

  1. Multiplier les échanges et les retours

Le risque principal est que chacun travaille de son côté sans interaction réelle. Des points d’étape réguliers permettent d’aligner les visions, d’ajuster les recommandations et d’éviter que les étudiants s’éloignent des réalités de l’entreprise.

  1. Encourager le mentorat inversé

Les jeunes générations ne sont pas là uniquement pour apprendre : elles ont aussi des connaissances à transmettre. En particulier sur les outils digitaux, les nouvelles tendances de consommation ou les méthodes de travail agiles. Accepter d’être challengé sur ces sujets est une opportunité pour l’entreprise.

  1. Favoriser une culture du test & learn

Les étudiants arrivent avec des idées souvent audacieuses, parfois décalées, mais toujours stimulantes. Plutôt que de les filtrer trop tôt, il est essentiel de leur donner une chance d’être explorées et testées en conditions réelles. Une entreprise qui adopte cette approche gagne en agilité et en capacité d’innovation.

  1. Valoriser la contribution des étudiants

Un projet qui reste au stade de l’exercice théorique peut vite perdre en intérêt. Montrer que leurs idées ont un impact réel – en les appliquant, en testant certaines recommandations ou en leur offrant des opportunités futures (stages, missions, mentorat) – est clé pour renforcer leur engagement et crédibiliser la démarche.

L’avenir appartient aux organisations capables de faire dialoguer les générations, de croiser les expertises et de challenger leurs certitudes. En misant sur ces nouvelles formes de collaboration, les entreprises s’offrent une chance de repenser leurs modèles, de capter les tendances émergentes et de rester en mouvement.

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