Travailler demain : tendances et analyse par Le Connecteur

Prospective, une question de perspective… Quand fin d’année rime avec bilan, la nouvelle année invite à la prospective. Depuis quelques temps à cette période, le même rituel médiatique : une top liste des métiers tendances et de demain. Pour aller au-delà du simple listing, Le Connecteur propose de questionner, de sonder, tout en faisant un pas de côté. À quoi ressemblera le travail de demain ? Et face à ce qui s’annonce, quelle analyse mener et quelle approche adopter ?

Travailler demain : des tendances métiers à questionner, un avenir à redessiner

À moins de vivre dans une grotte, ce n’est un secret pour personne : le monde du travail est lancé dans une (folle) accélération où les technologies évoluent à une vitesse fulgurante, où l’incertitude économique et la concurrence mettent une pression accrue sur les entreprises. À contre-pied, pour ne pas perdre pied justement, nous avons voulu prendre le temps de nous questionner, de réfléchir à ce que travailler demain signifie de notre point de vue, dans notre lieu du Connecteur et à travers le prisme de nos valeurs et de notre réseau de professionnels.

Est-ce seulement une question de nouveaux métiers à la mode (hacker éthique, robot manager, fermier urbain…) ? Voyons au-delà : que signifient-ils vraiment de notre façon de travailler demain ? Ne s’agit-il pas plutôt de compétences à assimiler et d’approches à réfléchir pour s’adapter avec bon sens et analyse à l’air du temps ? On prend de la hauteur et partage avec vous notre point de vue.

Le travail de demain : de nouveaux « savoir-travailler » à assimiler

La veille que nous menons au quotidien au Connecteur a dégagé 3 aspects intéressants de l’évolution des métiers, quel que soit le secteur, relatifs à la manière de travailler lors des prochaines années. Après les savoir-faire et savoir-être, nous sommes persuadés qu’il sera de plus en plus demandé aux collaborateurs des « savoir-travailler », démontrant une certaine réflexion dans la manière d’appréhender son travail.

1) Veille, créativité et innovation dans le quotidien des salariés

La tendance observée : La créativité et l’innovation sont considérées comme des compétences clés des dix prochaines années, faisant écho ici à la nécessité des entreprises de se distinguer et faire face à la concurrence. On attend donc davantage du salarié de mener une veille sur son secteur et de cultiver l’esprit d’innovation, pour s’adapter aux nouveaux enjeux.

2) L’essor de la multi-activité

La tendance observée : un nombre croissant d’actifs devrait se tourner vers la multi-activité qui correspond au fait de cumuler plusieurs activités professionnelles ou d’endosser dans un même poste une multitude de rôles.

3) L’(auto)formation et le rebooting pour des carrières non linéaires

La tendance observée : la formation ou même l’auto-formation devient un mode de travail au quotidien. Désormais, plus besoin de s’enfermer dans la salle d’un organisme de formation : l’e-learning, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle, les plateformes en ligne offrent des solutions d’apprentissage aussi rapides que les évolutions de certains métiers. Par ailleurs, de nos jours et à l’avenir le rebooting (la capacité à réinventer sa carrière plusieurs fois au cours de sa vie professionnelle pour s’adapter aux évolutions du marché) devient une nouvelle norme.

De notre point de vue :

Ces trois tendances façonnent une manière bien différente de travailler. Point de vigilance selon nous concernant la pression et l’exigence qu’elles demandent aux professionnels : être à la fois créatifs, innovants, informés, mais aussi formés, tout cela parfois en devenant de véritables « couteaux-suisses ». Serait-on à la recherche d’un Super Employé ? Est-ce que le travail de demain ne demanderait pas trop d’engagement aux actifs ? Gardons à l’esprit que la santé mentale et le bien-être au travail restent des préoccupations majeures pour la plupart des salariés (et on les comprend !). Alors oui à une certaine stimulation professionnelle et un accomplissement de soi au travail, mais attention à ce que cet enthousiasmant programme n’aille pas à l’encontre de nos équilibres. La gestion du stress est d’ailleurs une compétence clé des dix prochaines années et on comprend mieux pourquoi !

Si le profil du salarié, qui entre à la vingtaine dans une entreprise jusqu’à la quitter pour prendre sa retraite, est sur le point de disparaître définitivement, posons-nous la question du future of work que nous souhaitons. Loin d’un travail « augmenté » et subi, n’est-il pas possible de forger un nouvel état d’esprit ? Face à l’instabilité et la rapidité des processus, devenus des éléments intrinsèques à notre époque, ne plus subir, mais aller de l’avant et façonner le travail de demain.

> Maîtriser son avenir professionnel en le réinventant et en sachant s’adapter à son époque.

> Responsabiliser chaque collaborateur qui peut apporter sa pierre à la réflexion.

> Participer à l’innovation collectivement au lieu de la réserver à une poignée d’initiés.  

Ces évolutions du « savoir-travailler » invitent à repenser le travail comme un terrain de découverte et d’agilité, pour conjuguer épanouissement personnel et réussite collective.

Travailler demain : questionner et contrôler l’irrésistible ascension de l’intelligence artificielle

Si la montée en puissance de l’IA est indéniable et s’inscrit peu à peu dans les usages personnels comme professionnels, une double responsabilité s’impose à nous : questionner notre usage de ces nouveaux outils et réfléchir à l’approche que l’on souhaite en faire.

1) La machine IA et son contrôle humain

La tendance observée : le fantasme qui entoure aujourd’hui l’IA pose souvent la question du remplacement de l’homme par la machine. Si la machine permet de remplacer l’homme sur certaines tâches, qui en reste l’instigateur ? L’homme, bien évidemment. L’IA telle qu’elle existe actuellement est donc un assistant de l’intelligence humaine, mais non son remplaçant. Pour preuve : parmi les compétences clés de demain se trouvent « les capacités d’utilisation, de suivi et de contrôle de la technologie » qui montrent toute l’importance de métiers de régulation de la technologie comme le robot manager ou encore l’éthicien de l’IA, véritable garde-fou qui veille à ce que les systèmes d’IA soient développés et utilisés de manière éthique, en respectant les valeurs humaines et les normes sociétales.

2) L’enjeu de l’usage

La tendance observée : on vit actuellement une phase de découverte et d’expérimentations tous azimuts des outils d’IA. Mais peu à peu, on comprend que les usages vont devenir un enjeu majeur. Quand utiliser ChatGPT plutôt que Google ? L’IA est-elle adaptée pour telle tâche ? Car nos actions, encore plus dans le domaine professionnel, peuvent avoir des conséquences. Par exemple : ChatGPT consommerait 500 ml d’eau par conversation, soit 10 fois plus qu’une requête sur Google (faisant écho à la question de l’impact environnemental des grands centres de data). Autre exemple, celui de la sécurité des données : si vous décidez de faire rédiger votre brevet par ChatGPT, êtes-vous certain que des informations confidentielles ne seront pas réutilisées par l’IA ? Enfin, toujours lié à l’usage, la capacité à émettre des prompts de qualité pour atteindre des résultats pertinents va devenir un nouveau skill très utile.

3) Cultiver son esprit critique pour garder le contrôle

La tendance observée : l’accès ultra facile à l’information et l’intelligence artificielle posent la question de la fiabilité de ce qu’on lit ou visionne sur nos écrans. Identifier les fake news et éviter les manipulations vont devenir des compétences indispensables pour naviguer dans une société où l’information circule à grande vitesse et où les sources sont incertaines. Pour contrer cela, la formation et la capacité d’analyse figurent parmi les compétences clés des prochaines années. 

De notre point de vue :

Loin de la fascination que suscite l’intelligence artificielle, l’homme va devoir (re)faire confiance en son intelligence et sa capacité à penser (au sens des philosophe). Ne serait-ce d’ailleurs pas l’occasion ou jamais de se questionner et de remettre la pensée et l’esprit critique au centre de nos préoccupations ? L’IA ne nous offre-t-elle pas le challenge (et le devoir !) de penser le travail de demain avec plus de sens et de bon sens ? Loin des métiers à la mode, un métier nouveau tel que « le philosophe d’entreprise » semble être un signal significatif. La philosophie peut élever le débat et donner de nouvelles perspectives au leadership. Partout, la quête de sens face aux évolutions rapides est désirée. Et pourtant, dans les pratiques, elle est parfois vite balayée face aux nécessités plus urgentes et pragmatique. 

Il nous semble évident que l’innovation va également de paire avec la capacité à suivre des valeurs et entretenir un esprit critique sur son époque. Une telle évidence n’est pas si facile à mettre en oeuvre. Elle requiert des méthodes d’analyse et un travail de la pensée. Encore une fois se former, pour s’outiller face aux enjeux du travail de demain.

Micro-interview – Le point de vue d’un consultant IA générative 

Manuel Llop

Fondateur de Matsiya, consultant spécialisé dans l’intégration de l’IA, partage sa vision sur l’évolution du travail :

Comment voyez-vous l’impact de l’IA générative sur le monde du travail ?

L’IA générative marque le début d’une transformation plus profonde qu’on ne le pense. Au-delà des outils comme ChatGPT qui permettent déjà de nous faire gagner du temps sur certaines tâches, nous voyons émerger une nouvelle génération de technologies : les agents IA. Bientôt, chaque collaborateur travaillera avec une équipe d’agents IA experts dans leur domaine – un pour l’analyse de données, un autre pour la création de contenu, un troisième pour la gestion de projet. Ces agents ne sont pas de simples outils, mais de véritables partenaires de travail qui apprennent en continu, anticipent nos besoins et amplifient nos capacités. La question n’est plus de savoir si cette transformation aura lieu, mais comment l’aborder de manière réfléchie et constructive.

Quels sont les points de vigilance pour les entreprises ?

Il serait réducteur de voir cette transformation uniquement sous l’angle technologique. L’enjeu majeur réside dans notre capacité à repenser l’organisation du travail en intégrant ces nouveaux « collaborateurs numériques ». Cela soulève des questions essentielles : comment préserver l’équilibre entre efficience technologique et bien-être humain ? Comment garantir une utilisation éthique et responsable de ces outils ? La réussite de cette transformation dépendra de notre capacité à maintenir l’humain au centre de la réflexion, tout en tirant parti des nouvelles possibilités offertes par l’IA.

Observez-vous des disparités dans la façon dont les entreprises abordent cette transformation ?

Nous constatons clairement deux approches distinctes. Certaines organisations adoptent activement le changement et voient les agents IA comme une opportunité de libérer les collaborateurs des tâches chronophages et à faible valeur. D’autres, plus attentistes, risquent de subir cette transformation. La différence ne réside pas tant dans l’adoption technique que dans la capacité à développer une vision stratégique de cette évolution. Il ne s’agit pas simplement d’intégrer de nouveaux outils, mais de repenser fondamentalement nos modes de travail et de collaboration.

Quelle approche recommandez-vous aux dirigeants ?

L’intégration des agents IA nécessite une démarche progressive et réfléchie. Plutôt que de chercher une transformation radicale, privilégiez une approche par étapes : identifiez d’abord les domaines où ces assistants peuvent créer le plus de valeur, expérimentez à petite échelle, puis étendez progressivement leur utilisation. L’accent doit être mis sur l’accompagnement des équipes et le développement de nouvelles compétences. La clé est de créer un environnement où technologie et humain se complètent plutôt que se concurrencent.

Pour conclure, quelles réflexions suggérez-vous aux lecteurs ?

Pour conclure, je vous invite à vous poser ces questions essentielles :

  • Quel sera l’impact de l’IA sur votre trajectoire professionnelle et celle de votre entreprise ?
  • Quels sont les risques concrets si vos concurrents adoptent l’IA avant vous ?
  • Comment pouvez-vous transformer cette révolution en opportunité plutôt qu’en menace ?

Conclusion : Travailler demain, une opportunité de réinvention collective

Le futur du travail ne se résume pas à une liste de tendances ou de nouvelles compétences. C’est une invitation à réinventer nos façons de collaborer, d’innover et de donner du sens à nos activités professionnelles. Le Connecteur vous accompagne pour anticiper ces mutations et bâtir, dès aujourd’hui, un avenir professionnel à la fois performant, éthique et porteur de sens.


Sources :

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